L’UE à propos de Beyrouth : “C’est ce qui arrive quand on ne privatise pas ses ports”
Mercredi, l’explosion d’un entrepôt contenant 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium (un produit chimique utilisé notamment comme engrais par l’agro-industrie) dans le port de la capitale libanaise a causé la mort de plus de 100 personnes et laissé des milliers de blessés ou de sans-abris. Pourtant, au sein de la Commission Européenne, il semblerait que l’émotion soit déjà passée. Thierry Breton, le Commissaire Européen au Marché Intérieur, a rappelé que “cela ne serait jamais arrivé si les libanais avaient privatisé leurs infrastructures portuaires”.
“Vinci sera toujours plus compétent que n’importe quel État pour gérer un bien rentable”
L’UE n’aime pas que les États interviennent dans l’économie. À tel point qu’elle incite depuis des années tous ses pays membres à se désengager des routes, autoroutes, barrages, ports et aéroports et de les confier au secteur privé. “C’est le seul qui est capable de gérer ça convenablement. Les pays de la zone Euro doivent se concentrer sur ce qui est vraiment important pour l’avenir du monde : créer plus de milliardaires, servir l’OTAN et renforcer l’hégémonie Américano-Saoudienne” confie Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission Européenne.
Mais rassurez-vous, la France fait figure de bonne élève. Les autoroutes ont déjà été privatisées. Les aéroports aussi (enfin presque : ceux de Lyon et de Toulouse ont déjà été vendu, la vente de ceux de Paris traînent un peu). La privatisation des barrages est en pourparlers. Et même les plages publiques ont été “confiées” aux groupes Eiffage et Vinci. Il y a donc peu de chances que l’Hexagone se retrouve un jour dans la même situation que son ancienne colonie, le Liban.
Si le Liban repasse sous mandat français, Paris devra démanteler de toute urgence tous les services publics
Excédés par la gestion calamiteuse du pays de leur classe dirigeante depuis des années, de nombreux Libanais ont lancé une pétition demandant que le Liban repasse sous “mandat français”. Rappelons en effet que le “pays des cèdres” a fait partie de l’Empire colonial Français de 1918 à 1946. Après la Première Guerre Mondiale, la SDN (Société des Nations, l’ancêtre de l’ONU) a confié l’administration de la Grande Syrie (Syrie et Liban actuels) à la France. Celle-ci appartenait auparavant à l’Empire Ottoman, grand perdant de la Guerre. Les Libanais semblent donc considérés que l’Hexagone aurait mieux géré leur pays que Michel Aoun (le président actuel) et le Hezbollah.
Si cette pétition devait aboutir, alors Paris promet une gestion du pays en “bon père de famille”. “Nous ferons exactement la même chose à Beyrouth que ce que nous faisons chez nous depuis des années”, assure Jean-Yves Le Drian, le Ministre des Affaires Étrangères français. “Nous allons découper un à un tous les services publics et les biens Étatiques, pour les confier à de grands chefs d’entreprise”. D’ailleurs, Bruno Le Maire, que l’on sait être un grand amoureux des privatisations, serait pressenti pour prendre la suite d’Hassan Diab en tant que Premier Ministre du Liban.