Jordan Bradella, la nouvelle tête de l’extrême-droite française
À deux mois du scrutin des Européennes, Jordan aboie de plus en plus fort dans les médias. Jordan n’a rien d’un chien de garde. Sa pilosité dérisoire le discréditerait pour une telle mission. Jordan Bradella est la tête de liste du rassemblement national (RN). Âgé de 23 ans, il est le benjamin des candidats en haut de l’affiche.
Au parti, on a l’habitude des extrêmes.
En 2014, Jean-Marie Le Pen est élu à 86 ans au parlement européen et devient le doyen de l’assemblée. Malgré l’écriture de ses Mémoires, le patriarche s’accorde de rares pauses pour siéger à Strasbourg ou Bruxelles. Il se félicite du regain de patriotisme des peuples européens.
Mais c’est désormais le passage de relais entre le meneur historique de l’extrême droite française et le petit gars né à Drancy. Que de souvenirs dans cette ville… Notamment la création d’un camp réservé aux juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ils seront déportés par la France vers des camps d’extermination. Cela n’empêchera pas Le Pen père d’ affirmer en public à plusieurs reprises que « les chambres à gaz sont un détail de l’Histoire ». On imagine la surprise du vieux en surprenant ce môme lui rafler ses troupes avec la complicité de sa fille. Il a tout de suite pensé à la « promotion canapé », inimaginable durant son règne. Personne ne se souillait quand il tenait la boutique. Le RN est une route nationale juste bonne à indiquer le chemin de la débauche parmi les militants. D’ici peu, DSK frappera à la porte de la permanence du parti avec un sourire coquin. Non, vraiment, le sens des valeurs disparaît chez le bébé politique qu’a porté l’ex-parachutiste de l’Indochine. Inadmissible ! Un rital en plus ! Un salle gosse d’origine italienne qui se prend pour un Français ! Comme si la politique était un terrain de football… Le vieillard aurait pu succomber à un arrêt cardiaque. Heureusement, il a le cœur solide. Il l’a tellement peu utilisé dans sa vie qu’il dispose d’un souffle excellent malgré son âge. Après avoir bu quelques verres de sa gnôle médicinale, le vétéran de l’extrême droite retrouve son calme et son flair. Il comprend que c’est une nouvelle tentative de sa garce de fille de draguer ce macaroni de Salvini. Basta l’Italie !
Une autre personnalité notoire de l’extrême-droite doit être déboussolée. Selon les critères d’Éric Zemmour, « le prénom c’est la France ». Même s’ il concède qu’Omar Sy soit de nationalité française par le biais de sa carte d’identité, il refuse de comptabiliser les « Omar » parmi les Français. Le journaliste politique explique que les prénoms exotiques du Sud ou du Nord du continent sont une insulte envers la France et sa culture. Alors surprendre un « Jordan » tête de liste du RN, c’est n’importe quoi ! Surtout pour un homme plaçant le patriotisme à un niveau olympique. Se sentira-t-il obligé de voter blanc ? – la formule ne devrait pas le choquer – devra-t-il s’abstenir ? Ou voter pour un étranger ayant la nationalité française ? Le maire de Béziers, Robert Ménard, aurait pu être un choix de secours prestigieux. Mais l’édile de la Corée du Nord de l’hexagone est satisfait de son mandat local et de ses pleins pouvoirs sur la ville. Bellamy est un bon chrétien avec des valeurs louables, mais il manque de clairvoyance sur le risque d’une invasion barbare… Un vrai casse-tête pour Zemmour ces élections.
Jordan Bardella porte bien la chemise à l’écran et ne se laisse pas intimider par les questions des journalistes « du système ».
Il jubile à l’idée de siéger aux côtés de l’extrême droite italienne et autrichienne. Puis ce n’est pas fini. On annonce la percée de plusieurs partis protectionnistes dans d’autres pays. Un peu de renfort ne sera pas inutile. L’Europe doit devenir une forteresse et non « un halle de gare ou un guichet social… » déclare le candidat RN. Il faut redémarrer l’économie « en coupant le robinet de l’immigration » dit-il, en vantant les exploits de Salvini. L’Italien a décidé d’interrompre tout sauvetage en mer de migrants à partir d’avril. Les sondages indiquent plus de 20 % d’intentions de vote en faveur du RN, talonnant « La République en Marche », en tête avec 22 %. Pas de Mémoires à écrire, tout laisse supposer que le benjamin des têtes de liste sera un eurodéputé plus assidu que son illustre aîné.
Jordan a grandi dans une cité HLM à Saint-Denis. Ce valeureux Gaulois a sans doute été malmené par des camarades de classe issus de l’immigration. Peut-être même que Jordan a supporté le sobriquet de « Fleury Michont » pendant des années ? Il reste pudique sur ses souvenirs, noircis, semble-t-il, par une incompatibilité à jouer avec les enfants d’origine étrangère. Ce rendez-vous manqué avec la diversité a dû nourrir sa haine envers les visages basanés et noirs. Cette relation complexe avec ses pairs issus de l’immigration est certainement le motif de son engagement au Front National dès seize ans, un âge où on s’intéresse à tout sauf à la politique. Plus tard, le garçon s’inscrit en licence de géographie à la Sorbonne. Le choc est rude quand il apprend l’existence des frontières entre les pays. Il fulmine et se demande comment ses camarades de cité ont pu passer la frontière avec leur tête de métèque. Il ne lui vient pas à l’esprit qu’ils sont nés en Seine-Saint-Denis, comme lui. Son racisme s’affermit. En 2017, Marine Le Pen l’estime mûr pour devenir porte-parole du Front National. En 2018, Jordan continue son ascension au sein du parti en devenant directeur de Génération Nation, le mouvement de la jeunesse du RN.
Désormais, il prend plaisir à rappeler aux médias qu’il a vécu dans une cité HLM.
Son passé lui sert de caution pour fustiger l’ensemble des quartiers populaires. Le candidat préfère évoquer des zones de non-France plutôt que de non-droit. Il n’est pas tendre à l’égard de ces lieux en les accusant d’engendrer tous les maux imaginables : cambriolages, trafics de drogue, dégradations de biens publics ou particuliers, harcèlement, attaques de chien… La liste est longue. En meeting, le jeune homme s’offusque que « des gamines de cinq ans portent le voile » dans ces endroits. N’aurait-il pas effectué un voyage en Arabie Saoudite se mélangeant à ses souvenirs de cité ? En revanche, il ne déplore aucune violence policière ou d’abus de contrôle d’identité dans son inventaire apocalyptique des quartiers populaires.
Contrairement à Sarkozy, le représentant RN distingue deux formes de « racailles » : celles des quartiers et celles de l’extrême gauche. S’il soutient les gilets jaunes depuis le premier épisode de la saison 1, il commence à craindre les gilets jaunes de l’extérieur, mais noirs ou rouges à l’intérieur…Hormis le blanc, les couleurs obsèdent le candidat. Sa palette serait tristounette s’il était peintre. L’horizon serait toujours bouché. Un peu comme son cerveau : réglé à haïr sans condition la majorité de l’humanité et du monde. Ce rejet de l’humanité d’autrui et ce fanatisme sont également présents chez les candidats au djihad. Mais ceux-ci préfèrent pratiquer la décapitation que de désigner des têtes de liste à des élections républicaines. Il s’agit d’une extrême droite moins bavarde, mais plus sanglante. À chacun sa méthode…
Le jeune homme demande exceptionnellement à ses militants de faire usage de la couleur. Il leur demande de mettre un carton rouge à Macron le dimanche 26 mai. Avant cette date, les cartons jaunes devraient continuer à mener la danse à Paris et dans les villes de province.