François-Xavier Bellamy, scout toujours… Prêt !
À environ deux mois des Européennes, faisons connaissance avec les candidats désignés têtes de liste. Démarrons par un nouveau venu dans l’arène médiatique. François-Xavier Bellamy campe à droite de l’échiquier politique. Le trentenaire est agrégé de philosophie et professeur de classes préparatoires à l’école normale catholique dans le 15e arrondissement de Paris. Avec un tel cursus, il fait office de bête de foire dans le monde politique actuel.
La droite ne nous avait plus habitués à dénicher des personnalités familières de Platon ou Spinoza.
En 2008, au salon de l’agriculture, un homme refuse de serrer la main du président de la République. Furieux, Sarkozy l’invective : « Casse-toi, pauv’con ! » Cette courte phrase a eu le mérite de lancer la stratégie de communication frontale du clan Sarkozy avec ses concitoyens. Pendant son mandat présidentiel, Sarkozy s’est acharné à se créer un entourage ayant des préoccupations métaphysiques proches du commun des mortels. Le fils spirituel de Pasqua n’a pas hésité à nettoyer au karcher les rats de bibliothèque. Seul Luc Ferry a survécu à la purge des « intellos » de droite. L’entourage de l’ex-président ne dénotait pas de la majorité des habitants. Il suivait avec assiduité les intrigues de « Secret Story » et participait activement à la campagne nationale de « temps de cerveau disponible » devant l’écran.
Que ce soient Nadine Morano, Brice Hortefeux ou David Douillet, chacun mouillait la chemise pour se façonner une image populaire. La secrétaire d’État à la famille, en 2008, n’a pas hésité une seconde à venir se déhancher à la boum organisée par les jeunes de l’UMP. La danse engagée de Nadine au milieu des yeux stupéfaits de la jeunesse de droite a fait la une de tous les JT de l’époque. Et on ne compte plus les défections à « you porn » des jeunots du parti au moment de la branlette quotidienne. Ils préféraient désormais se souvenir de cet épisode politico-sensuel pour apaiser manuellement leur libido.
Brice Hortefeux, moins démonstratif, a tout de même brisé sa lourde armure de ministre de l’Intérieur au cours de l’université d’été 2009 de l’UMP. Il a voulu étudier son pouvoir comique et a improvisé une plaisanterie d’un goût douteux à propos des Arabes : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes… » Ah, ah, ah ! Qu’est-ce qu’on se marre… Pendant des mois, le ministre a assuré que sa blague concernait les Auvergnats. Puis il s’est rétracté et a avoué que c’était bien les Arabes à l’origine de ce trait d’humour…
Quant à David Douillet, ministre des Sports durant 7 mois, ses gaffes sont devenues sa marque de fabrique. Grâce à lui, les personnes souffrant du « syndrome Pierre Richard » se sentaient représentées au gouvernement. Au début du nouveau millénaire, le ministre jugeait encore que la place de la femme était au foyer et que tous les hommes pensaient comme lui, hormis les tapettes. Le judoka avait tous les atouts du parfait candidat au djihad… À l’ère de « balance ton porc », ce genre de déclaration est surréaliste. Si tous les hommes ne partagent pas cette vision de la femme, une partie d’entre eux aime pratiquer le précepte de David Douillet. Cette proximité idéologique rend l’ex-parrain des pièces jaunes populaires parmi les nombreux machistes du pays.
En 2015, l’UMP devient les républicains – LR – . Alors que Sarkozy et Fillon restent en retrait de cette campagne européenne, Raffarin clame partout de voter « En marche ». Juppé, lui, a rendu sa carte et rejoint le Conseil constitutionnel. Avec la candidature du philosophe Bellamy, le président LR, Laurent Wauquiez, sonne le glas du règne des « sous-doués » du clan Sarkozy. Même s’il accepte que Morano et Hortefeux soient sur la liste LR des européennes, – une manœuvre afin d’adoucir la transition – le chef du parti remet au goût du jour le politicien « intello » avec la volonté de revenir aux fondamentaux : le travail, la famille et l’identité catholique du pays. Le dernier des Mohicans de la boutique LR mise sur la jeunesse de son poulain et son pedigree catholique dépourvu de croisement.
Âgé de 33 ans et de tout ce que symbolise la traversée de cet âge pour un fervent catholique, le candidat LR répond aux questions des journalistes avec un contrôle de soi époustouflant et une politesse sans égal. À cette courtoisie constante s’ajoute un langage raffiné. François-Xavier n’hésite pas à exposer plus d’une idée dans la même phrase ! Ses performances tétanisent certains journalistes. Ceux-ci redoutent le burn-out avec un tel énergumène capable de conserver le sourire en toutes circonstances.
Le professeur de philosophie séduit un large périmètre de politiciens, allant de la douce NKM au bougon Philippe de Villiers. Son visage poupin à la pilosité dissimulée détonne dans l’univers viril de la politique. Quant à la blancheur inouïe de son faciès, on ne peut que lui conseiller de troquer les messes contre les UV de la montagne. Les Français aiment les sportifs. Pourquoi ne pas imiter Macron en s’autorisant quelques week-ends de ski, loin du tumulte des gilets jaunes ?
En 2008, le candidat LR est le plus jeune adjoint au maire des villes de France.
Chargé de la jeunesse et de l’enseignement supérieur, il choisit Versailles comme terrain d’apprentissage. C’est dans cette ville qu’il effectue sa scolarité dans le privé et devient un scout aguerri. Grâce à Dieu, le petit François-Xavier ne semble jamais avoir rencontré de pères Preynat ou des Barbarins durant son parcours spirituel. Chez les Bellamy comme chez Charles Ingalls, la prière est de rigueur avant le repas. Bellamy junior poursuivra son chemin de croix une fois parti de sa « petite maison dans la prairie » parentale.
Le politicien essaie de se défaire de son image de gendre idéal en contribuant à la renommée « des vendredis du rock » à Versailles. Sans doute un hommage à son homonyme outre-Manche, Matthew Bellamy, chanteur du groupe de rock « Muse »…
Le candidat LR concède qu’il est contre l’avortement et le mariage des homosexuels tout en insistant qu’il s’agit d’une prise de position personnelle. Il confesse même avoir participé à plusieurs « marches pour la vie » dans les rues de Paris. Pragmatique, le philosophe n’envisage pas de revenir sur la loi Veil autorisant l’IVG.
Participant actif de « la manif pour tous », Bellamy promet qu’une fois élu il ne se préoccupera pas de stopper ou d’annuler les mariages entre gays et lesbiennes. Il cherche à rassurer ceux qui craignent un retour en arrière et la disparition de la réforme sociétale majeure de ce début de siècle.
On peut s’interroger de ce que ce probable eurodéputé mènera comme combat politique au parlement : il déclare renoncer à modifier des droits contre lesquels il n’a cessé de manifester afin d’ éviter leur existence – le mariage pour tous – ou leur maintien – la liberté des femmes de disposer de leur corps avec l’autorisation des moyens de contraception et de l’IVG. Mais ne noircissons pas ce portrait avec ces deux détails de l’Histoire… Peut-être Bellamy a-t-il comme projet d’importer les « vendredis du rock » au parlement européen ?
Aux élections sénatoriales de 2017, « la République en Marche » lui propose d’être sa tête de liste dans les Yvelines. L’homme ne cède pas au péché de la tentation. Il reste « fidèle » à sa chapelle politique. Le philosophe n’a encore jamais retourné sa veste dans une activité où l’opportunisme est un moteur prisé.
On imagine la déception des Versaillais en apprenant le départ prévisible de leur BHL local pour Strasbourg, terre protestante, et Bruxelles, terre de houblon.