L’Ouganda ouvre un parc d’attractions consacré aux dictateurs déchus

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Kampala, le 23 mai 2024 – Pour attirer les touristes et éduquer les visiteurs sur l’histoire politique, l’Ouganda inaugure un parc à thème dédié aux dictateurs déchus, avec des montagnes russes et des expositions interactives. Situé près de Kampala, la capitale du pays, ce parc à thème baptisé « Tyrannyland » promet une immersion dans les sombres chapitres de l’Histoire autoritaire du XXe et XXIe siècle.

Vue aérienne du parc d'attraction consacré aux dictateurs à Kampala (Ouganda).

Tyrannyland : Une plongée dans l’histoire des dictateurs

Situé près de la capitale Kampala, Tyrannyland présente des statues géantes, des répliques de palais présidentiels et des expositions interactives. La vedette du parc est Idi Amin Dada, l’ancien tyran ougandais tristement célèbre pour son règne de terreur entre 1971 et 1979.

À l’entrée du parc, un imposant monument en hommage à Amin Dada accueille les visiteurs avec une inscription provocatrice : « Bienvenue en enfer, où l’Histoire devient une attraction ». Les dioramas réalistes recréent les actes les plus infâmes d’Amin, plongeant les visiteurs dans l’horreur de son régime.

Réactions mitigées en Ouganda

Les avis sont partagés en Ouganda. Les défenseurs de Tyrannyland y voient une chance unique d’éduquer les jeunes générations sur les dangers des dictatures. Nous ne devons jamais oublier notre passé», déclare John Mugisha, historien et consultant pour le parc. « En rendant ces événements tangibles, nous espérons encourager une réflexion critique et prévenir la répétition des erreurs du passé

Idi Amin Dada, dictateur de l'Ouganda de 1971 à 1979

Cependant, les critiques estiment que ce parc transforme la souffrance humaine en divertissement. « C’est une insulte à la mémoire des victimes», s’indigne Rebecca Kyomuhendo, militante des droits de l’homme. « Rendre hommage à des criminels de cette manière est inacceptable

Implications régionales

L’ouverture de Tyrannyland intervient dans un contexte de tensions politiques en Ouganda. Le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, fait face à des accusations de dérive autoritaire. Cette initiative s’inscrit également dans un contexte régional troublé, marqué par des relations complexes avec le Rwanda et la RDC. Ces tensions géopolitiques pourraient être exacerbées par la perception de l’Ouganda comme insensible aux souffrances historiques de ses voisins.

Pour beaucoup de Rwandais, l’ouverture de Tyrannyland est une initiative irresponsable qui pourrait nuire aux efforts de mémoire et de réconciliation. Les autorités rwandaises et les citoyens perçoivent Tyrannyland comme une tentative de trivialiser les horreurs vécues sous les régimes dictatoriaux d’Ouganda. Bien que Kampala ait joué un rôle crucial dans soutenir le Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par Paul Kagame pour mettre fin au génocide des Tutsis, les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été harmonieuses par la suite. Des tensions ont émergé autour de questions de sécurité et d’accusations réciproques de soutien à des groupes rebelles. « Nous devons traiter notre histoire avec le respect qu’elle mérite », déclare Aimée Uwimana, historienne rwandaise.

A Kinshasa, l’histoire mouvementée entre la RDC et l’Ouganda, marquée par des implications militaires de l’Ouganda lors des Premiere Guerre du Congo et Deuxième Guerre du Congo) rend l’ouverture de Tyrannyland particulièrement controversée. Les souvenirs de ces interventions restent vifs dans la mémoire collective des Congolais. L’idée de transformer des dictateurs et leurs actes en attractions touristiques est perçue comme une provocation insensible. « C’est une insulte à la mémoire de nos compatriotes qui ont souffert et sont morts à cause des ingérences militaires de l’Ouganda », déclare Jean-Baptiste Kambale, un activiste congolais. « Transformer ces atrocités en divertissement est non seulement immoral mais aussi un déni des souffrances endurées par notre peuple.»

Intervention militaire de l'Ouganda dans l'est de la République Démocratique du Congo

Conclusion

Tyrannyland ouvre ses portes sous une nuée de controverses. La question fondamentale est de savoir si l’on peut tirer des leçons de l’Histoire en la transformant en spectacle. L’Ouganda, par cette initiative, ne laisse personne indifférent. Le débat est lancé. À vous de juger si la visite en vaut la chandelle, ou si le billet d’entrée pour ce parc de l’horreur est un prix trop élevé à payer pour l’éducation historique.

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Les sables de la Teranga, polar de Sébastien Mayoux

Sébastien Mayoux est le créateur du Connard Enchaîné, ainsi que son Rédacteur en Chef. Il a créé ce site pour pouvoir enfin être drôle. En effet, dans la vraie vie, ses blagues n'ont jamais fait rire personne, malgré plusieurs tentatives... Il est également l'auteur de plusieurs thrillers. Découvrez-les ici.