Une perdrix convoquée devant le Sénat : “On n’avait plus personne à auditionner”
La chambre haute du Parlement tient à faire mentir toutes les mauvaises langues qui laissent entendre que les sénateurs, dont la moyenne d’âge est de 66 ans, ne sont que des seniors en pré-retraite. Depuis la réouverture du Sénat post-Covid, ils travaillent durs, en convoquant tout le gratin scientifiquo-médiatique dans leur hémicycle. D’Agnès Buzyn à Didier Raoult, c’est un casting qui ferait pâlir BFMTV qui s’est succédé devant le Sénat depuis la rentrée. Mais n’ayant plus personne à auditionner, les sénateurs n’en ont pas décidé de se reposer sur leurs lauriers pour autant. Les élus ont convié une perdrix à venir s’expliquer devant eux de leur disparition du territoire français.
“On trouvait que c’était un bel oiseau. Et puis, on le connaissait si peu…”
Gérard Larchier, le président du Sénat, explique ce choix surprenant par deux raisons. Premièrement, ce gallinacé est un animal plutôt agréable à regarder, au plumage esthétique et à la démarche voluptueuse. Dans une assemblée qui compte 70 % d’hommes, un peu de douceur ne fait pas de mal. Deuxièmement, ce volatile est en fort déclin, notamment la perdrix grise, durement touchée par le réchauffement climatique. Un phénomène qui inquiète beaucoup les chasseurs, cet oiseau étant très prisée comme gibier. Et lorsqu’on connait les liens entre la classe politique et le lobby de la chasse, on ne s’étonne pas de voir les sénateurs auditionner cet animal.
Pour le “plateau” (nom donné à la présidence du Sénat), la raréfaction des populations de perdrix sur le territoire n’est pas si anedoctique que ça. “Ne croyez pas que cela ne nous sert juste à nous occuper à nous divertir. Il y a une vraie commission d’enquête qui a été mise en place sur le sujet. J’ai moi-même un beau-frère qui est ornithologue. Les perdrix, les faisans, les cailles et les pintades, on en parle tous les dimanches chez moi” assure Gérard Larchier.
C’était aussi l’occasion pour les parlementaires de faire venir le monde rural jusqu’à eux
En raison de leur âge avancé, la grande majorité des sénateurs sont des personnes à risques s’ils contractaient le Covid-19. Suivant les recommandations de la Santé Publique, ils essayent donc d’éviter de s’exposer au virus. Nombre d’entre eux n’ont donc pas pu profiter de leur résidence secondaire en Normandie ou en Champagne depuis un moment. Les élus ont l’impression que l’épidémie les éloigne des “territoires”. Faire venir un oiseau des campagnes au Palais du Luxembourg est donc pour eux un moyen de se reconnecter avec cette France rurale des provinces qu’ils ont peur d’oublier.
Michel Forissier (sénateur LR du Rhône) avoue avoir été ému par la beauté de ce volatile. “Moi qui viens de la capitale de gastronomie (Lyon), je connaissais le goût savoureux de la perdrix dans l’assiette, qui se déguste avec un petit verre de Condrieu (Côtes-du-Rhône). Mais en voir une vivante, en vraie, cela m’a presque donné envie de devenir végétarien“. Mais rassurez-vous, si la population de petits gibiers est en recul, celle des pigeons a encore de beaux jours devant elle dans l’Hexagone grâce aux efforts des parlementaires français.