Nicolas Dupont-Aignan : Le parlement européen n’est pas SOS médecin
Le président de « Debout la France », Nicolas Dupont-Aignan, sera la tête de liste de son parti aux Européennes. L’amateur de complots – de la vente de l’Alsace-Lorraine aux Allemands au pacte de Marrakech promettant l’invasion de millions d’Africains en métropole – a attrapé une belle prise jaune qu’il a ajoutée sur sa liste. Il s’agit d’un gilet jaune, Benjamin Cauchy, très médiatique au début du mouvement. Mais le collectif lui a vite retiré son rôle de porte-parole. On se méfiait de son opportunisme politique et de ses liens supposés avec l’ultradroite. Laurent Wauquiez et Marine Le Pen ont aussi voulu enrôler « le vilain petit canard » dans leur feuille de match des Européennes. Le cadre commercial toulousain a préféré la petite écurie familiale de « Debout la France ». Le gilet jaune désire s’éloigner des ronds-points afin de pénétrer dans la chaleur du parlement européen.
Dupont-Aignan peut désormais fustiger le « système » et affiner ses thèses « complotistes » en compagnie de son nouveau colistier. À la télévision, ça devient presque banal d’assister à des départs impromptus d’invités ne supportant pas d’entendre des paroles négatives à leur sujet. En revanche, être l’invité d’une émission et réussir à se faire virer du plateau télévisé relève de l’exploit. Il y a 1 mois, le souverainiste a adopté une stratégie de communication virulente dans « C à vous » sur France 5. Le journaliste Patrick Cohen a été le moins épargné. Il a été qualifié de « serviteur du pouvoir » avant que le politicien ne lui reproche de faire de « la propagande » en faveur de l’État. Les explications sur les différences entre service public et gouvernement ont été vaines. À l’écran, on sentait que le match de boxe entre Cohen et le souverainiste se rapprochait chaque seconde. Quelques coups de poing et un peu de sang auraient pu pimenter cette émission également culinaire. Mais la sauce souverainiste s’est pétrifiée dans le saladier, privant tout le monde d’une dégustation royale… Invoquant la décence des téléspectateurs, la rédaction de « C à vous » a décidé d’expulser le politicien du plateau.
Jeudi dernier, au cours du premier « grand débat » télévisuel entre candidats sur le service public – France 2 – , les présentateurs redoutaient une nouvelle offensive contre les journalistes du fervent défenseur de Bachar al-Assad. La chaîne a obligé ses salariés à participer à des exercices préventifs en cas d’attaque chimique. Le personnel a reçu différents modèles de masques à porter suivant le gaz utilisé et son intensité. Mais le représentant de « Debout La France » n’a pas réitéré ses attaques. Pendant la soirée, il s’est conduit en parfait gentleman. Évidemment, dès qu’on le titille sur l’immigration, son obsession du grand remplacement lui fait dire que 18 millions de migrants ont envahi l’Europe en 5 ans… – Il semblerait que l’erreur soit que le candidat compte double : il additionne une personne demandant l’asile et un titre de séjour. Malgré les précisions de journalistes de tous bords les jours suivants, le politicien persiste avec ce nombre astronomique. – Ensuite, Dupont-Aignan n’a pu s’empêcher de vanter la politique de Viktor Orban en Hongrie : « C’est le seul chef d’État qui a fait respecter la frontière de l’Europe ». Alors que le RN encense Salvini dès que possible, le souverainiste préfère Orban : moins éloquent mais intransigeant avec les étrangers. Le candidat français estime que l’urgence absolue est de « maîtriser les frontières ». La frontière est sa seconde obsession. En mai 2014, pour prouver le manque de contrôle aux frontières, il a fait volontairement passer de l’Italie à la France une Kalachnikov dans un coffre de voiture. D’ailleurs, on se demande d’où provient la Kalachnikov. Peut-être un souvenir de vacances d’un été passé entre l’Afghanistan et le Pakistan ? En 2013, la famille Dupont-Aignan a effectué le circuit itinérant des grottes ayant servi d’habitat à feu Oussama Ben Laden.
Au niveau des sondages, le souverainiste ne dépasse plus les 5 % d’intentions de vote. Il aurait sans doute aimé ajouter dans sa liste Fly Rider pour faire décoller son score. Mais la barbe rousse des gilets jaunes a franchi la ligne rouge le 11 décembre. Le soir même de l’attentat de Strasbourg, qui a coûté la vie à cinq personnes, le jeune homme a exprimé son scepticisme sur la véracité de cet événement. Si le souverainiste s’est plaint d’une instrumentalisation du tragique attentat de Strasbourg par le gouvernement pour affaiblir le mouvement des gilets jaunes, il désapprouve les soupçons de Fly Rider et son manque de lucidité à l’égard des victimes. Le politicien sait que pour faire redescendre sur terre un individu comme Fly Rider, cela nécessite plusieurs années de thérapie. Or, le parlement européen n’est pas SOS médecin. Nicolas a besoin d’une troupe capable de sortir la tête quelques minutes des réseaux sociaux pour que le souverainisme ne devienne plus seulement qu’une bonne blague racontée par les eurodéputés.